Bernard MAYNE, Chargé de Mission Collège des Producteurs – Responsable du Développement du label Prix Juste Producteur

Aujourd’hui, chacun d’entre nous a déjà été confronté à des publicités proposant des remises de prix, ou des coupons de réduction au travers des mini magazines savamment rédigés par les distributeurs.

Selon une enquête menée par l’Agence Profacts (2019) 9 Belges sur 10 lisent les folders publicitaires*, en moyenne 19 minutes par semaine, et ils trouvent un bon moyen de redécouvrir les commerçants locaux.

Par ce mécanisme, les distributeurs ont su proposer aux consommateurs une chasse au trésor géante dans lequel nous plongeons tous en espérant dénicher les bonne affaires…La course aux bonnes affaires, comme une vraie chasse au trésor, est une pure création marketing pour augmenter l’adrénaline, créer le sentiment éphémère d’avoir fait « LA » bonne affaire, et de continuer sans fin…

Si ces règles du jeu sont autorisées par les règles de la publicité commerciale, il n’en reste pas moins que les consommateurs doivent être conscients de ce jeu géant qui les considère comme des pions, et où les joueurs ne sont autre que les distributeurs et hard-discounters, prêts à tout pour remporter la partie.

Par exemple, au printemps, Lidl a sorti sa campagne : « Lidl encore Moins cher que Lidl ». Sur le site internet, un poulet frais à rôtir, d’origine belge, est affiché à 2,39€, soit 1,15€ pour un kilo. Mais comment est-il possible de proposer un poulet de plus de 2 kilos, à un si faible prix ?!

Décortiquons ce qui se cache derrière ce prix d’annonce

Le prix du marché du poulet standard à la même période, était de 0,88 cents/kg, ce qui correspond au prix que touche l’agriculteur.

Ce prix de marché n’est pas du tout rémunérateur pour l’éleveur : il lui faudrait 1€ du kilo pour que le producteur soit rémunéré correctement. Avant d’être proposé dans le magasin, le poulet doit passer par l’abattoir ou celui-ci subi une première transformation afin d’être proposé à la commercialisation.

Si on poursuit de décortiquer le prix, il reste 0,27 cents à se partager entre l’abattoir, la logistique pour acheminer les poulets au magasin et la marge du magasin…. Car jusqu’à preuve du contraire, il est interdit de vente à perte pour les distributeurs…

Le bilan de telles actions est le suivant : on profite d’un prix de marché bas pour ne pas payer les éleveurs à un Prix juste, équitable. On sacrifie également la reconnaissance du travail effectué par les hommes et les femmes, dans les élevages, le transport, au sein des abattoirs… Et ensuite, l’enseigne rogne sur ses propres marges afin d’en faire un produit d’appel !

Est-ce vraiment ce modèle que nous souhaitons défendre ? Un modèle où les distributeurs nous imposent, que manger, comment le manger et tirent la valeur de l’alimentation vers le bas ? La consommation de masse, à outrance, et notre demande grandissante en produits ultra-transformés, spéciaux et variés, n’est certainement étrangère à ces pratiques. Mais pourquoi pas faire évoluer nos habitudes vers des produits plus sains, plus simples, plus justes…

Comment trouver un poulet plus équitable ?

Notre label Prix Juste Producteur a pour leitmotiv de garantir à tout producteur, que le prix final de son produit couvre ses coûts de production ET lui assure une part de revenu salarial. Cela veut dire que nous voulons des prix différents pour les producteurs que ce qu’ils ne touchent à présent !

Pour les poulets dits de chair – élevés en plus grand nombre, moins longtemps, avec un goût moins prononcé, et à un prix final moindre qui réponde à la demande des collectivités et des grandes surfaces-,  à leur sortie de ferme, ces poulets devraient être payés 2,7 €/pièce au producteur, pour couvrir ses soins, nourriture, frais d’élevage. Ce qui signifie qu’en grandes surfaces, le prix affiché devrait être de 5€ min.

Pour un poulet élevé selon un cahier des charges qualité différenciée (bio, prix juste, …) le prix payé au producteur doit être de l’ordre de 5€, pour couvrir ses soins, nourriture, frais d’élevage ; dans les commerces, le prix final au consommateur, intermédiaires inclus (abattoir, transport, packaging, distributeur…) doit s’aligner et sera de minimum 10€, selon le poids final…

Alors, on reprend : est-ce vraiment ce que l’on veut, que la nourriture en grandes surfaces soit devenue un produit d’appel ? Que l’on puisse y vendre un poulet entier à 2,35€, moins cher que le prix qui devrait être perçu par l’agriculteur ? Et sur lequel l’enseigne a rogné ses propres marges, mais a certainement délaissé au passage les autres intermédiaires…

A revoir, un sujet de RTL-INFO du 29 mars 2021 « Les poulets vendus à des prix toujours plus bas en supermarchés: qui y perd, qui y gagne? »

*https://www.gondola.be/fr/news/9-belges-sur-10-lisent-les-folders-publicitaires